EAU - Le problème de l’eau dans le monde

EAU - Le problème de l’eau dans le monde
EAU - Le problème de l’eau dans le monde

L’eau joue, dans le développement de la vie humaine, animale ou végétale et dans l’évolution des sociétés, un rôle irremplaçable. Pour vivre et pour agir l’homme a été et demeurera toujours un utilisateur de l’eau. Sauf en quelques régions déshéritées, les disponibilités hydriques naturelles existent heureusement en quantité suffisante pour que leur répartition et leur utilisation ne présentent pas, du moins jusqu’à présent, de difficultés particulières. Mais en notre époque moderne, caractérisée par un essor démographique, industriel et agricole sans précédent, des utilisations nouvelles sont venues s’ajouter aux usages anciens et traditionnels de l’eau. L’exploitation de plus en plus poussée des potentiels de production jointe à la nécessité d’alimenter des collectivités plus nombreuses, et où les besoins de chaque individu sont en augmentation constante, exigera dans les années qui viennent des ressources hydriques toujours plus importantes.

La marge excédentaire qui a pu longtemps exister entre ressources disponibles et besoins à satisfaire va ainsi en s’amenuisant de jour en jour. Tous les pays ont donc, ou auront à brève échéance, à faire face à un problème d’«optimum», c’est-à-dire de recherche des solutions les plus rationnelles et les plus efficaces pour exploiter et répartir au mieux la totalité des ressources hydriques dont ils peuvent disposer. Il apparaît ainsi que l’eau ne doit plus être considérée comme un capital inépuisable dont chacun, individu ou collectivité, peut user à sa guise, mais qu’elle constitue au contraire une richesse soumise à des lois économiques bien précises.

Il est un fait, cependant, qu’à l’inverse des autres gisements de «matières premières» qu’exploite l’homme – gisements dont la caractéristique essentielle est de n’exister qu’en stocks limités et donc voués à une disparition progressive – les ressources hydriques naturelles se présentent sous la forme d’un flux constamment renouvelé par le cycle de l’eau. Mais elles ne sont pas pour autant illimitées en valeur absolue. De plus, elles se caractérisent par une extrême irrégularité dans l’espace et dans le temps.

C’est donc à un difficile problème de mise en valeur et de gestion d’un stock fluctuant au rythme des saisons et au cours des années qu’auront à faire face les organismes responsables d’une politique de l’eau, problème qui ne saurait d’ailleurs être abordé sans une confrontation préalable des ressources disponibles et des besoins à satisfaire. Mais si l’inventaire des ressources est plutôt du domaine de la technique scientifique, l’évaluation des besoins actuels et futurs est affaire de sociologie, d’économie et d’organisation. Elle sera évidemment variable suivant les pays, leurs conditions particulières, leur état de développement, leurs possibilités. Le problème se compliquera encore lorsque dans certains d’entre eux où l’eau est rare, et en pareil cas de qualité souvent médiocre, un choix devra être fait en vue de satisfaire en priorité certains besoins.

Élément essentiel de la vie, l’eau peut être également un facteur de destruction si elle n’est pas contrôlée. Une politique des eaux devra étudier les moyens de prévision, les systèmes d’alerte et les techniques de protection contre les dommages matériels et les pertes de vies humaines provoqués par des crues incontrôlées.

Ce n’est que dans le cadre d’un plan d’ensemble, à l’échelle de la nation voire à celle que prévoient des accords internationaux, que pourront être résolus de tels problèmes.

1. Ressources et besoins à l’échelle mondiale

Actuellement, la demande effective, évaluée «en moyenne mondiale» à 500 m3 d’eau par an et par habitant, atteint et peut même dépasser 1 000 m3 dans les pays à haut niveau de développement technique. Dans moins d’un siècle, ces chiffres devront être doublés. Et si l’on considère qu’à cette époque la population du globe sera – à moins de catastrophe imprévisible – passée de 3,5 à quelque 20 milliards d’habitants, il lui faudra plus de 20 000 km3 d’eau par an pour répondre à tous ses besoins, essentiellement agricoles, alimentaires et industriels.

Quelles sont, ou quelles seront, en regard de cette demande, les ressources disponibles? On a pu estimer à 1,34 milliard de kilomètres cubes le volume total de l’eau que contient notre planète. Mais les océans et mers intérieures ou lacs salés constituent à eux seuls plus de 97 p. 100 de l’ensemble. Les dispositifs de dessalement, très coûteux, sont à l’heure actuelle exceptionnels. Quant aux eaux douces – 38,3 millions de kilomètres cubes –, si l’on met à part les 29,5 millions de kilomètres cubes faits de glaciers et calottes polaires et que l’on doit considérer comme «non directement utilisables», il ne reste plus qu’environ 8,8 millions de kilomètres cubes effectivement disponibles, dont plus de 8,6 millions en réserves souterraines. C’est l’eau courante des fleuves et rivières que l’homme utilise le plus largement. Or il n’y en a, sur toute la surface terrestre, que 1 250 km3; il convient cependant de noter que si, à un instant donné, de telles disponibilités ne représentent qu’un volume relativement faible, leur potentiel d’utilisation est considérablement accru du fait que ces eaux sont constamment renouvelées par le cycle hydrologique. La valeur des apports annuels moyens de tous les cours d’eau du monde doit en effet dépasser 35 000 km3, soit de vingt-cinq à trente fois le «volume statique» mesuré à un instant donné. Ce chiffre peut paraître rassurant: il est près de deux fois ce qui a été estimé nécessaire pour la satisfaction de tous les besoins mondiaux au cours du siècle à venir. Ce n’est cependant qu’une valeur «moyenne», et les ressources hydriques naturelles comme d’ailleurs les zones de peuplement sont, on le sait, très irrégulièrement réparties dans le monde. Il est donc des pays qui, en matière d’utilisation des eaux, auront à faire face à de sérieuses difficultés, s’ils n’ont pas déjà atteint le point critique comme on peut le constater en diverses régions à population très dense et parvenues à un stade de développement industriel avancé.

2. Les conditions d’une politique rationnelle de l’eau

Il suffit parfois d’installations simples et peu coûteuses pour utiliser dans de bonnes conditions toute l’eau potentiellement disponible. Mais on peut également, en certains cas, être amené à envisager la réalisation d’ouvrages plus importants, plus complexes et plus chers, tels que les systèmes de canaux et de conduites, les barrages et réservoirs d’accumulation, les dispositifs de contrôle et de régularisation, les réseaux de drainage ou d’alimentation, etc.

S’il est établi, en effet, que, dès les civilisations les plus anciennes, l’homme s’est efforcé de mettre en valeur les ressources hydrauliques qu’il trouvait sur son territoire, ces travaux répondaient généralement à un besoin immédiat unique, les autres utilisations n’intervenant qu’accessoirement. C’est seulement au cours de ces dernières décennies qu’est apparue la notion du «développement intégré des grands bassins fluviaux», c’est-à-dire de l’utilisation méthodique des ressources hydriques à des fins multiples en vue de la satisfaction et de l’intérêt du plus grand nombre.

Au point de vue économique, le problème qui se pose est alors le suivant: quelle est, compte tenu de l’hydrologie du bassin, la dimension optimale à donner à l’ouvrage ou à l’ensemble d’ouvrages envisagés? quelle en sera la rentabilité?

Il s’agira en l’occurrence de comparer à la dépense d’établissement, d’entretien et d’exploitation de ces ouvrages la somme des avantages à en attendre pendant une durée donnée, étant entendu que les dépenses et les avantages seront actualisés avant d’être cumulés. La difficulté ne réside pas dans le calcul mathématique, qui peut être plus ou moins simple suivant les hypothèses que l’on envisage, mais dans la détermination des avantages à attendre, que ceux-ci soient calculés directement ou évalués par différence entre les manques à gagner ou les dommages à craindre en cas de rupture, avant et après l’exécution des ouvrages.

L’eau intervenant partout dans l’activité d’un pays, on voit combien peuvent être complexes la préparation et la mise en œuvre de projets d’équipement hydraulique dans le cadre d’une politique d’ensemble pouvant assurer la satisfaction rationnelle de tous les besoins. Une stricte comparaison entre l’économie des diverses utilisations devra être établie. Mais cela n’ira pas, en général, sans conflits que les autorités responsables devront arbitrer.

Une politique satisfaisante de l’eau devra évidemment considérer les droits acquis, certains depuis des temps immémoriaux, et s’attacher à les intégrer dans la législation nouvelle sans trop bouleverser un état de fait existant. Mais des mesures autoritaires pourront parfois être nécessaires pour éviter que des intérêts privés ne portent préjudice à l’intérêt général.

En supposant même qu’il n’existe aucun droit acquis dans une région à mettre en valeur, la concurrence des différentes utilisations possibles de l’eau sera toujours génératrice de conflits:

– Les uns se produiront, par exemple, lorsque la capacité d’emmagasinement d’un réservoir ne sera pas suffisante pour faire face à plusieurs fins, telles que l’emmagasinement des eaux de crue, l’irrigation en période d’étiage, l’approvisionnement en eau potable ou pour certaines industries alimentaires, la production d’énergie hydroélectrique.

– D’autres pourront intervenir lorsque la courbe de l’emploi saisonnier de l’eau variera suivant les utilisations. C’est ainsi, par exemple, que les besoins de l’irrigation sont saisonniers – et concentrés surtout en saison chaude – alors que ceux de la production d’énergie hydroélectrique, étalés en principe sur toute l’année, présentent un maximum en saison froide, époque de la plus forte demande. Chaque fois que l’emmagasinement et la décharge de l’eau doivent se faire à des saisons différentes selon les objectifs, il faudra donc, pour assurer un bon fonctionnement des réservoirs à fins multiples, envisager certains sacrifices ou bien accepter des frais supplémentaires d’investissement.

– D’autres encore peuvent surgir dans l’attribution même de la ressource. C’est ainsi que le prélèvement de quantités importantes d’eau dans la partie supérieure du bassin ou le déversement massif d’eaux polluées dans le lit de la rivière pourront provoquer conflits et procès avec les habitants d’aval. Le problème peut prendre un caractère particulièrement aigu dans le cas d’un fleuve international qui traverse le territoire de deux ou plusieurs pays.

Mais il doit être toujours possible de trouver sur le plan économique une solution de compromis aux conflits apparents et l’expérience montre que les avantages et bénéfices procurés par le développement intégré d’un bassin fluvial dépassent de loin les inconvénients qui en découlent. La terre, l’eau, l’énergie, les ressources minérales et végétales d’un bassin doivent être considérées comme les différentes parties d’un tout. C’est par leur développement simultané, mais orchestré dans un plan d’ensemble, qu’on en obtiendra le rendement maximal.

En supposant que toutes les ressources hydriques naturelles d’une nation soient mises en valeur suivant un tel plan d’ensemble cohérent, il reste encore un dernier aspect de la politique de l’eau qui mérite une attention spéciale: c’est celui de la conservation des ressources, lesquelles doivent, dans l’intérêt général, être protégées à la fois quantitativement et qualitativement.

Les prélèvements devront être réglementés, surtout pour les ressources souterraines qu’une utilisation intensive, supérieure aux possibilités de renouvellement, peut épuiser dangereusement. Les dangers de pollution des eaux de surface et des eaux souterraines devront faire l’objet d’une surveillance et d’une législation rigoureuses concernant notamment le «recyclage» des eaux usées.

De même une politique de conservation du sol devra s’établir en liaison très étroite avec la politique de l’eau afin d’éviter la désintégration par érosion, le transport par l’eau de sédiments qui altèrent la qualité de la ressource et provoquent l’envasement quelquefois très rapide des réservoirs. L’intervention du sol en tant que zone d’échange entre l’eau et l’atmosphère est évidente, et la conservation du sol ne peut avoir qu’une influence bénéfique sur la conservation des ressources hydriques naturelles que l’on avait longtemps regardées comme inépuisables, mais que l’on ne peut plus aujourd’hui se permettre de gaspiller inconsidérément.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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